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Méthode d'Albumaz de Carpenteri

13 février 2013 - Actualisé le 3 mai 2019 - Cap Loto Team

Dans le livre « La loterie dévoilée - l'astrologue fortuné devin » paru en 1822, Albumaz de Carpenteri expose une méthode pour gagner aux loteries. Celle-ci est connue sous le nom de Pentagramme d'Albumaz.


Au sommaire de cette page :

  1. Point de départ de l'enquête
  2. Une méthode vraiment efficace ?
  3. La méthode d'Albumaz, pentagramme et texte
  4. Premier essai de reconstitution de cette méthode
  5. Deuxième essai de reconstitution
  6. Test d'efficacité avec logiciel
  7. Dieu, le hasard et les hommes
  8. Derrière la méthode d'Albumaz

Point de départ de l'enquête

Sur Internet, on trouve quelques ouvrages en vente sur ce thème, entre 20 et 50 euros environ, dans des boutiques en ligne. Certains de nos lecteurs, plus prudents que les autres, nous ont demandé ce que nous pensions de cette méthode. Nous l'avons donc étudiée. Voici les résultats auxquels nous sommes arrivés.

Nous avons également étudié l'ancienne loterie royale française (1757/1776), ainsi que la loterie nationale qui l'a suivie (1776/1836), et sur laquelle cette méthode était aussi sensée fonctionner (voir notre kit pour l'ancienne loterie nationale française)

L'astrologue fortuné devin, d'Albumaz de Carpenteri

Remarque : une réédition plus récente de « La loterie dévoilée », datant de 1832, se trouve à la bibliothèque nationale de France, sur le site de la Gallica.

Une méthode vraiment efficace ?

En l'an 1754, Albumaz prétend avoir utilisé trois fois cette méthode. Les deux premières, il était en perte, bien qu'ayant obtenu un, puis deux numéros gagnants. La troisième fois, il a obtenu un gain de 1 000 écus, dégageant ainsi un net bénéfice.

Malgré ce résultat plutôt encourageant, il n'a pas jugé bon de continuer, pourquoi ? Après tout, ayant obtenu 1 numéro gagnant la première fois, 2 la deuxième, puis ensuite 3, pourquoi n'aurait-il pas obtenu 4 au coup suivant, et 5 après ? Il ne dit rien là-dessus...

La question est donc de vérifier si cette méthode est efficace, comme il le prétendait à tort ou à raison. Mieux vaut le faire avant d'y risquer de l'argent, non ?

La méthode d'Albumaz, pentagramme et texte

La combinaison gagnante du dernier tirage est utilisée pour calculer celle à jouer. Les numéros sont répartis autour d'un pentagramme afin d'obtenir plusieurs sommes, obtenues à l'aide de d'opérations simples : addition théosophique, multiplication et division. Rien de bien compliqué, donc.

L'addition théosophique consiste à additionner les dizaines et les unités d'un nombre. Par exemple, 39 = 3+9 = 12. Cette opération est utilisée traditionnellement en numérologie, à laquelle Albumaz s'intéressait probablement autant qu'à l'astrologie.

Maintenant, quels éléments nous a t-il laissés dans son livre, dans l'objectif de reproduire sa méthode ? Les voici.

« Je vous ai promis, mon cher Lecteur, de vous donner une instruction mathematique pour tenter la fortune dans les frequents tirages des loteries : j'en ai voulu faire moi-même quelques epreuves dans celles qu'on tire ailleurs qu'ici, qui, à la verite, m'ont cause quelques pertes ; car dans la premiere que je fis à la loterie de Parme du 5 janvier 1754, je n'y gagnai qu'un seul extrait le numero 26 ; je la repliquai à la loterie de Mantoue, du 17 janvier, et j'y gagnai deux extraits et un ambe sur les numeros qui y sortirent, 38, 80 ; je voulus eprouver pour la troisieme fois à la loterie de Venise, qu'on tira le 7 fevrier 1754 ; heureusement pour moi que la crainte de ne pas gagner ne m'empêcha point de charger mes cinq numeros, comme je les entendis nommer de tout le monde, 7, 34, 29, et j'eus mille ecus de gain. Voici la preuve evidente de ce que j'ai l'honneur de vous dire avec l'explication de ladite figure. »

« Un de mes amis m'ayant pris de lui expliquer la vertu de la Figure Pentagone, je la lui dessinai telle qu'on la voit, pour me conformer à ses souhaits ; et lui fis remarquer qu'en ecrivant les numeros extraits de la façon qu'ils sont dans ladite figure, il commençât par le dernier numero extrait, et le plaçât dans l'angle A ; ensuite dans l'angle B, le quatrieme extrait ; de là dans l'angle D, le troisieme dans l'angle C, le second extrait.
Cela etant fait, je lui ajoutai qu'il fallait qu'il sommât le numero A avec les correspondants E, C ; ensuite le numero C avec les correspondants E et D ; apres le numero C avec le correspondant D, et avec la somme A, B ; puis le numero D avec le numero correspondant C, et avec la susdite somme, en divisant et multipliant les produits avec le numero superieur E, ils se trouveront toujours trois numeros, qui fort souvent donnent le terme, l'ambe, l'extrait. »

A première vue, il semblerait que l'on puisse reconstituer la méthode d'Albumaz sans difficulté : une planche explicative avec un schéma de principe, un texte apparemment précis. Tout paraît clair. Mais est-ce vraiment le cas ?

Note de l'auteur
Extrait : numéro gagnant seul, isolé. Ambe : combinaison de 2 numéros gagnants. Terme : l'orthographe exacte est « terne », combinaison de 3 numéros gagnants.

Premier essai de reconstitution de cette méthode

La loterie de Venise était de type 5 / 90, des combinaisons de 5 numéros à choisir parmi 90. Pour obtenir sa combinaison gagnante (que l'on voit sur le dessin : 29, 7, 34, 8), Albumaz a utilisé les numéros sortis au tirage précédent, qui étaient les suivants dans l'ordre de sortie : 15, 3, 8, 34 et 58.

Comme il l'explique lui-même, il a placés ceux-ci ainsi autour de son pentagramme :
A = 58 ; B = 34 ; D = 8 ; C = 3.

Bien qu'il n'explique pas le placement du 5e numéro dans son texte, il s'ensuit que le 15 ne peut aller qu'en E. D'ailleurs, ce point est confirmé par son dessin (voir E). Nous obtenons en définitive :
A = 58 ; B = 34 ; D = 8 ; C = 3 ; E = 15.

Pour trouver le premier numéro, il commence par faire la somme de A avec E et C. Sur le dessin, il obtient 29. Malheureusement, la manière qu'il donne ne permet pas d'obtenir 29 car :
- 58+15+3 = 76, et 7+6 = 13.
- en faisant la somme successive, cela ne fonctionne pas non plus :
(58 = 5+8 = 13) + (15 = 5+1 = 6) + 3 = 22, ce qui ne correspond à aucun des numéros qu'il a pronostiqués.

Pour trouver le 2e numéro, il fait la somme de C, E et D. Là aussi, le total ne correspond pas à son dessin ! Pourtant, il s'agit d'additions simples, il suffit de savoir compter sur ses doigts. Je passe sur la suite du texte, dont la clarté est équivalente à celle des matins de grande brume.

Dès lors, trois hypothèses :

  • Soit Albumaz ne s'est pas relu.
  • Soit il a commis ces erreurs volontairement, afin d'être le seul à pouvoir exploiter sa méthode.
  • Soit ces erreurs viennent du traducteur ou de l'éditeur.

Il faut se rendre à l'évidence, le texte n'est pas fiable. Il ne permet pas d'obtenir le même résultat qu'Albumaz.

Deuxième essai de reconstitution

Sur Internet, on trouve deux essais de reconstitution :
Méthode d'Albumaz (numerologue.net)
Metodo di Albumaz per vincere al lotto/ (lottoboom.it)

Ces deux essais reposent sur le calcul que voici.

1. Placer les numéros du précédent tirage autour du pentagramme
A = 58
B = 34
C = 3
D = 8
E = 15

2. Addition théosophique des nombres
A = 5+8 = 13
B = 3+4 = 7
C = 3
D = 8
E = 1+5 = 6

3. Sommes en triangle
- triangle ABC = 13+7+3 = 23.
- triangle ABD : 13+7+8 = 28.

4. Horizontales du pentagramme
C'est l'addition théosophique de la somme des horizontales qui donne :
Somme CD = 3 + 8 = 11. Addition théosophique : 1 + 1 = 2.

5. Algorithmes de résultat
1er numéro : ABC + E, soit 23+6 = 29
2e numéro : ABD + E, soit 28+6 = 34
3e numéro : (ABC x CD) + E, soit (23 x 2) + 6 = 46+6 = 52 ; 5+2 = 7
4e numéro : (ABD x CD) + E, soit (28 x 2) + 6 = 56+6 = 62 ; 6+2 = 8
5e numéro : (ABC / CD) + E, soit (23 / 2) + 6 = 11,5 + 6 = 17,5 ; soit 17 ramené à l'entier ; 1+7= 8.

Logiquement, il n'y aurait pas lieu de faire l'addition théosophique du 3e et du 4e nombre. Sinon, comment obtenir des numéros supérieurs à 52 ou 62, alors que la loterie d'Albumaz en contenait 90 ? Toutefois, on ne peut pas obtenir le résultat d'Albumaz, si l'on ne fait pas ainsi. Problème aussi avec le 5e numéro, dont le résultat est identique au 4e.

Etant donné ces remarques, cette deuxième tentative est-elle satisfaisante ? Non, évidemment. Pourtant, c'est le plus conforme qu'il soit possible d'obtenir d'après le dessin et le texte actuellement. C'est probablement ainsi qu'Albumaz faisait. En effet, aucune autre combinaison d'opérations, qui soit aussi proche de sa description, n'arrive au résultat qu'il obtenait.

Test d'efficacité avec logiciel

J'ai programmé un logiciel sur la méthode d'Albumaz reconstituée d'après le deuxième essai. Cliquez sur ce lien pour le télécharger : Logiciel Albumaz

Ensuite, téléchargez les fichiers d'historique de la Française des jeux pour Euro Millions et Loto français. Faites aussi la même chose avec des loteries américaines de type Fantasy 5. Comme la loterie de Venise, celles-ci possèdent aussi des combinaisons de 5 numéros.

Ces historiques vous permettront d'utiliser les tirages passés, dans l'objectif de vérifier l'efficacité de la méthode d'Albumaz. Et, bien évidemment, sans risquer d'argent.

Très vite, vous vous apercevrez que les résultats sont décevants.

Il n'y a absolument pas le moindre doute là-dessus. Pire encore, il n'est pas très fréquent d'obtenir un seul numéro gagnant, alors qu'Albumaz affirmait que 1, 2 ou 3 arrivaient "fort souvent"...

Dieu, le hasard et les hommes

Cette méthode ne donne pas les résultats prétendus par Albumaz. De plus, les résultats sont catastrophiques.

Alors, pourquoi autant de joueurs ont-ils perdu leur argent avec, et pendant de nombreuses décennies ? D'abord, un mélange de pensée magique. Pentagramme et numérologie sont placés, dans le dessin, au dessus de l'urne de tirage. Comme si ces éléments décidaient des numéros gagnants ?

Ensuite, une illusion de précision avec le dessin et le texte, mais ils ne permettent pas de reproduire le résultat d'Albumaz - du moins, pas dans un premier temps. S'agissant d'opérations simples, on peut même se demander si cela n'était pas prémédité. Sinon, tout le monde s'en serait aperçu depuis longtemps...

Maintenant, comment expliquer la chance d'Albumaz à 3 tirages consécutifs et son gain de 1 000 écus ? La probabilité que cela arrive n'est pas nulle ; par conséquent, s'il est de bonne foi dans son récit, alors il a été particulièrement chanceux. D'ailleurs, il n'a utilisé sa méthode qu'à trois reprises, preuve du peu de confiance qu'il y prêtait...

Car, même si la gravure est d'un style romanesque - comme si nous avions été présents, nous-mêmes, à cette loterie dans les années 1750, avec un tricorne posé sur la tête - tout ne dépend t-il pas, finalement, de qui tire les boules : Dieu, le hasard et les hommes ?

Pentagramme d'Albumaz de Carpenteri - la bonne société assistant à un tirage...

Derrière la méthode d'Albumaz

L'idée d'Albumaz est caractérisée par la pensée magique. La combinaison gagnante serait le résultat de causes supérieures, qu'il identifie comme le pentagramme et l'addition théosophique mis en oeuvre dans sa méthode.

Or, dans toute démarche scientifique, que trouve t-on ? Les chercheurs essaient d'identifier les causes supérieures (lois de la physique, par exemple) dans le but d'obtenir des effets reproductibles. Malheureusement, Albumaz associe cette démarche justifiée, avec des éléments ésotériques discutables : puissance magique supposée du pentagramme, recherche d'une arithmétique sacrée au travers de l'addition théosophique qui réduit les nombres vers l'unité (Dieu = 1, source de tous les nombres par addition).

Cela supposerait d'abord qu'il existe une « arithmétique sacrée ». Bien évidemment, la plupart des scientifiques et des mathématiciens riront de cette idée, partant du principe que l'univers est le fruit du hasard, parmi une multitude de possibles à l'intérieur du vide quantique. Dès lors, il n'y a guère de place pour Dieu ni pour une « arithmétique sacrée ».

Toutefois, l'univers entier n'est-il pas totalement régi par les nombres ? La vidéo ci-dessous illustre assez bien cette idée.

La nature par les nombres - Nature by numbers

Si cela était vrai, et que l'univers entier était régi par les nombres, que s'ensuivrait-il ? Ce que nous appelons « hasard » devrait l'être aussi. Celui-ci pourrait alors être calculé avec la même précision que tout le reste.

Dès lors, la démarche d'Albumaz ne pourrait plus être considérée comme totalement absurde. Mais il vivait au 18e siècle, et les bases scientifiques lui faisaient défaut ; d'où ce curieux mélange entre additions et pensée magique. D'ailleurs, c'est une chose assez répandue dans le genre humain, où la croyance prend le relais lorsque les connaissances sont insuffisantes.

Ne soyez pas déçus si la méthode d'Albumaz ne fonctionne pas. Rappelez-vous que les loteries sont des jeux de répartition. Donc, si tout le monde jouait la combinaison gagnante, le jackpot ne pourrait pas dépasser votre mise... Quel intérêt auriez-vous à jouer dans ces conditions ?